Le rocher d’Attre est patrimoine immobilier exceptionnel de Wallonie. Abîmé par le temps, le châtelain a introduit une demande de permis d’urbanisme pour le restaurer dignement. L’enquête publique s’est terminée le 3 janvier 2020. Mais quel est ce monument ?
1 Le Rocher, son histoire impériale
1.1 Le Rocher et Marie-Christine
Marie-Christine d’Autriche était la Gouvernante générale des Pays-Bas autrichiens . Son père était Empereur des Romains (1765), Empereur du Saint Empire Germanique (1765) et Roi de Hongrie (1780). Elle était aussi la sœur de la Reine Marie-Antoinette épouse de Louis XVI Roi de France. La famille des Habsbourg dominait l’Europe. La carte ci-dessous, nous montre l’étendue incroyable de leurs possessions et donc de leur puissance.
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Les châtelains et les courtisans de l’époque rivalisaient d’ingéniosité pour attirer l’attention de la Gouvernante et de son mari le duc de Saxe-Teschen.
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A ce titre, le châtelain d’Attre eut une idée géniale pour l’inviter à se rendre régulièrement chez lui. Chaque visite aurait très certainement apporté son lot de conversations politiques utiles pour son avancement.
1.2 Le Rocher, une séduction politique
Le comte de Gommegnies, alias François-Ferdinand Franeau d’Hyon était propriétaire du château d’Attre et Chambellan à la Cour des Habsbourg d’Autriche. La charge de chambellan le faisait officier de cour chargé de tout ce qui concernait le service intérieur de la chambre d’un souverain.
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A l’époque, les châteaux étaient le centre du pouvoir d’un village, d’une ville ; un centre qui après la révolution belge de 1830 s’est déplacé dans les Maisons Communales. Ambitieux et volontaire, François-Ferdinand Franeau n’avait de cesse de se rapprocher du pouvoir en place.
Il eut donc l’idée d’une folie pour provoquer le passage régulier de la Gouvernante sur ses terres. De là naquit le « Rocher d’Attre » pour attirer l’attention de ce haut personnage.
1.3 Le rocher, un bel observatoire de chasse
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Ce fût une belle réussite, que Franeau présenta comme un observatoire de chasse. Une rumeur dit que des lapins furent lâches au bas du rocher pour l’agrément des chasseurs. De couleur blanche, ils étaient facilement repérables.
Peu après le début de sa construction, la fille de l’Empereur et son époux lui rendirent visite une fois l’an de 1782 à 1788. En 1783, François-Ferdinand Franeau fût récompensé de ses efforts en recevant le titre de comte de Gommegnies.
Mais était-ce uniquement un observatoire de chasse ? D’autres histoires circulent à son sujet.
2 Le Rocher, une butte insolite
2.1 Le Rocher a donné du travail à 40 ouvriers
Cette construction étrange se trouve à l’arrière du Château, au cœur de son parc romantique aménagé dans le plus pur style anglais. Il est actuellement enfoui dans la végétation dont le sommet culmine à 24 m de hauteur.
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L’ouvrage de Joseph Delmelle consacré au château nous apprend, que le rocher fut construit par 40 ouvriers. Une vingtaine de chevaux ont acheminé les pierres sur place ; certains blocs pesaient 12.500 kg. L’assemblage des moellons a nécessité huit années de labeur de 1780 à 1788.
Comme pour le mettre en valeur, une rue à pavés de porphyre longe la propriété à sa gauche.
2.2 Surprenant et colossal
Le rocher repose sur une superficie d’un hectare et se développe sur 5 niveaux. Il domine un petit étang et s’étend sur un réseau de galeries et de petites grottes. Il se compose d’un agglomérat de pierres non équarries.
« Le rocher est formé par une maçonnerie de moellons et de briques, recouvertes de blocs de pierre calcaire. Ceux-ci sont posés à joints vifs et donnent l’impression d’une ruine naturelle, envahie par la végétation. En réalité, il s’agit d’une construction particulièrement soignée » peut-on lire dans le dossier de l’enquête publique.
(Cliquez sur l’image pour voir le vidéo de la chaine locale Notélé)
2.3 Le rocher, une construction complexe
La tour qui émerge apparaît infranchissable, si ce n’est par deux couloirs souterrains. Quatre entrées positionnées suivant les points cardinaux Nord, Sud, Est et Ouest mènent au cratère. Là où se dresse la tour à 9 mètres au-dessus de l’étang.
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Un chemin en lacet permet d’accéder au premier étage ouvert aux quatre vents. Puis à 21m au-dessus du niveau de l’étang situé au pied de l’ensemble, nous découvrons une pièce cubique aux parois percées de fenêtres. Celle-ci et le plafond s’ornent d’un recouvrement d’écorces, décorés avec raffinement par un jeu de tronçons de bois d’essences différentes.
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Le plafond centré sur une coupole ornée d’une étoile est un ouvrage remarquable. Il nécessite impérativement une restauration soignée pour retrouver son lustre d’antan.
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Un escalier escamotable donne accès à la terrasse cernée d’un muret et dont une chape de plomb protège le sol.
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3 Le rocher franc-maçon !
3.1 Le rocher, une folie rigoureusement ordonnée
Les sentiers du rocher d’Attre passent par des zones d’ombre et de lumière qui font penser au parcours initiatique des mystères d’Éleusis. Ce mode opératoire nous renvoie directement à la franc-maçonnerie très présente au sein de la noblesse de l’époque dans notre région. Franeau en était un digne membre. Son château regorge de symboles maçons.
Si l’on compare le rocher au jardin maçonnique de Washington, un des pères de l’indépendance américaine, cela semble particulièrement évident.
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A bien analyser ces deux représentations ont peut y déceler de nombreuses similitudes.
- Nous y retrouvons le double sentier sinueux avec la double sortie parallèle que confirme les deux pointes hérissées de la tour.
- A l’avant, le sommet des trois entrées forment au niveau de l’étang une sorte de plateforme similaire à celle du jardin de l’américain.
- Le jardin se compose de 5 strates horizontales clairement marquées, le rocher s’articule au travers de 5 niveaux.
- Au-dessus de la plateforme coiffant les trois entrées, avec un peu d’imagination la première construction et les deux sentiers à sa base laissent entrevoir l’équerre et le compas comme reproduit dans le jardin.
Au-delà du côté amusant de la chasse, la visite de la Gouvernante des Pays-Bas n’était-elle pas l’occasion d’un conclave politique privilégié du pouvoir en place avec un haut dignitaire maçon régional ? Mystère, les archives semblent être muettes à ce sujet.
3.2 Aristocratie, franc-maçonnerie et démocratie
Quelles étaient les liens entre l’aristocratie, la franc-maçonnerie et la démocratie à cette époque ? La période de 1782 à 1788 est éminemment proche de la révolution française de 1789. Les idées fusent de toutes parts. Les idées du Siècle des Lumières moleste durement le pouvoir ancien.
L’attachement de la noblesse de cette période à la franc-maçonnerie ne serait-elle pas contre nature ? N’aurait-elle pas dû être alertés par le comportement du contemporain du Comte de Gommegnies le franc-maçon Georges Washington qui participa à la rédaction de la Constitution introduisant la démocratie comme mode d’organisation du jeune état américain ? La démocratie ne peut exister que par l’abandon des privilèges des aristocrates !
D’un autre côté, comment expliquer l’attachement de l’américain franc-maçon à la séparation des pouvoirs chère à la démocratie ? Si la franc-maçonnerie et ses chapelles ont besoin de l’ombre pour se déployer, par contre la démocratie et ses mouvements politiques ont besoin de transparence pour exister ; comment ces deux systèmes peuvent-il exister harmonieusement ?
Sous l’angle de l’analyse politique, le rocher d’Attre ne serait-il pas une construction extraordinairement lucide ? Ne concentrerait-il pas en lui les contradictions idéologiques de l’époque prélude aux révolutions qui balayeront l’Ancien Régime ? La Belgique ne fera-t-elle pas sa révolution de 1830 à peine 45 ans plus tard. C’est une étape essentielle, qui marque définitivement la suprématie de la démocratie sur les autres formes de gouvernement dans notre pays !
Les interrogations que ce rocher soulève ne mériteraient-elles pas d’être l’objet d’une thèse de doctorat ?
4 Le rocher et son avenir
4.1 D’abord son classement pour obtenir le soutien des autorités
Le rocher d’Attre a été classé comme monument exceptionnel de Wallonie. C’est un ouvrage unique en Europe, pour ne pas dire au monde.
Le château et le site, dont le rocher, ont été une première fois classé le 17 novembre 1962 par Arrêté Royal.
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Puis en 2013, l’administration qui gère le Patrimoine exceptionnel par la Région wallonne a reconnu le château et le site.
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4.2 Ensuite le projet de restauration
Excepté une plateforme de plomb posée après la guerre (40-45), en 250 ans le rocher n’a jamais été restauré.
Au fil du temps, la nature a repris ses droits ; les arbres ont poussé et le recouvrent aujourd’hui. Le rocher d’Attre a également souffert d’un éboulement il y a quelques années. Au troisième niveau du rocher, dans la tour, le cabinet d’écorce doit être totalement restauré et reproduit à l’identique. La chantier sera divisé en trois phases, dont une partie pourra être subsidiée par la Région Wallonne.
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4.3 Enfin les subsides
4.3.1 Autres temps autres mœurs.
Si François-Ferdinand Franeau pouvait financer ses folies sur ses propres deniers, il n’est plus concevable de restaurer des biens historiques sans l’aide de la Région Wallonne. C’est-à-dire sans la participation des citoyens au travers de l’impôt. Mais pour cela, le bien doit d’abord se faire reconnaître patrimoine immobilier de la Région Wallonne.
4.3.2 Faut-il pour cela que la Région Wallonne devienne propriétaire d’un bien classé et subsidié ?
NON, car dans le passé cela a entrainé plus de mal de que de bien au point d’assister à des destructions plutôt qu’à de la protection.
Nous avons l’exemple à Brugelette du bâtiment industriel LUCAS. Grâce aux taxes pompées de la poche des habitants, l’autorité communale l’a acheté en bon état. Vingt ans après, la commune a dû se résoudre à le raser. Par manque d’entretien et de projet cohérent, il était depuis lors tombé en ruine. Des châteaux ont aussi disparus de la sorte.
Il est de loin préférable de laisser ces demeures dans des mains privées. Le rôle bien compris des autorités est d’assister le propriétaire tant par ses conseils judicieux que par ses subsides. Une condition primordiale est de rendre le lieu accessible au public et d’y permettre des activités valorisantes en accord avec le propriétaire.
La grande chance du château d’Attre est d’être resté propriété de la famille de MEESTER de HEYNDOCK. Malgré les difficultés de gestion vu la taille et l’importance du domaine, elle y consacre toute sa passion et ses moyens financiers. Et nous les habitants de la commune de Brugelette, nous avons le bonheur d’avoir chez nous un patrimoine exceptionnel unique au monde.
5 CONCLUSION
LES COMMUNAUX sont très heureux de la décision de la famille de MEESTER de HEYNDOCK de restaurer le rocher d’Attre. La remise en état de cette construction extraordinaire ne manquera pas de dynamiser le tourisme dans notre belle commune.
« A l’Ouest de la Commune, il y a le Château d’Attre. A l’Est, il y a le Parc Pari Daiza. Au centre il y a la Chapelle des Carmes.».
Conseiller communal à Brugelette.
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