Le jumelage de Brugelette et d’Avon-les-Roches a été l’occasion pour la chorale « Les Gais Rossignols » d’éditer un disque. Dans ce billet, nous retraçons cette histoire. Heureusement que nous avons gardé des photos et des archives qui permettent de raviver le souvenir de ce qui s’est réalisé. Ce fût une belle aventure !
Avant le jumelage
Michel DEFFERNEZ, meunier et musicien dans l’âme, a toujours rêvé de pouvoir diriger un groupe musical.
C’est le père d’André DEFFERNEZ mari de Bernadette QUIEVY. Et Bernadette est la sœur d’Anne QUIEVY qui à l’époque était ma fiancée.
Le groupe musical ainsi créé s’appelait « Les Gais Rossignols ». Nous voulions faire « quelque chose » à l’occasion du jumelage entre Brugelette et Avon-les-Roches.
Un disque du jumelage, pourquoi pas !
En feuilletant le journal des petites annonces VLAN, je suis tombé sur l’annonce « Faite-vous même votre disque ». Voilà qui pourrait-être réalisé à l’occasion du jumelage !
Je proposais l’idée au chef de la chorale qui adhéra sans hésiter. Nous rencontrons l’éditeur à Courcelles pour en savoir plus. Pour la somme de 12.500 francs belges, nous pouvions réaliser le disque du jumelage en 500 exemplaires.
Faire un disque est un risque
L’éditeur a joué carte sur table en nous décrivant les risques encourus. Peu de chanteurs parvenaient à écouler leurs 500 disques. La grande majorité ne dépasse pas 100 exemplaires. Qui allait financer le disque ? A l’époque, le montant de 12.500 francs belges était une somme conséquente.
Un disque, oui mais quelles chansons ?
Là aussi, il n’y a pas eu beaucoup d’hésitations. Anne QUIEVY a une très belle voix. Et lors d’une escapade à la mer du nord avec elle et son chaperon Thérèse QUIEVY … sa sœur cadette, elle chanta « a capella » la chanson des « Jeunes hommes de Brugelette ».
Alors que je ne connaissais pas le picard, un parler wallon proche du français, je tombais littéralement sous le charme de la chanson.
Elle a été composée avant-guerre par le boulanger Georges CHEVALIER dont une des filles Germaine CHEVALIER n’est autre que l’épouse de Michel DEFFERNEZ. Il va sans dire que nous nous sommes tout de suite mis d’accord pour en faire la face A. (voir ANNEXE I)
La face B sera alors la chanson du jumelage composée sous l’air du « Un clair de Lune à Maubeuge ». Michel DEFFERNEZ et Françoise QUIEVY seront chargés de la composition. Elle ferra référence aux différents villages de la nouvelle commune. (Voir ANNEXE II)
L’idée avait galvanisé toute la chorale. Chacun, chacune apportait sa contribution pour réussir cette opération villageoise hors du commun. Remettons-nous dans le contexte de l’époque. Combien de chorales de la région avaient eu l’idée d’enregistrer un disque ? Combien l’ont réalisé ? C’était réservé aux chanteurs amateurs à succès ou aux professionnels de la chanson.
Le financement du disque du jumelage
Toujours sous le charme de cette chanson, je voulais ce disque. Mon salaire d’ingénieur et mon tempérament économe m’avait déjà permis de mettre de l’argent de côté. Je voulais cette réalisation.
Vu l’enthousiasme des choristes, je rassurais tout le monde en m’engageant de payer la facture condition sine qua non pour recevoir les précieux disques.
La condition fondamentale
Toutefois à 25 ans, en me basant sur mes cours de marketing fraîchement appris, je posais comme condition que les disques soient mis en vente uniquement le jour du jumelage. Il fallait que tout soit écoulé ce jour-là. Tout le monde était d’accord avec cette condition.
En pratique à l’approche de la date fatidique du mariage de Brugelette et d’Avon-Les-Roches, la pression du public pour acquérir le disque n’a fait que croître. Elle était devenu tellement forte, qu’il a fallu littéralement séquestrer les disques pour empêcher toute livraison anticipée. La pression n’a cessé de monter jusqu’au 18 août.
La pochette du disque et les villages
Comme le disque avait pour vocation de célébrer l’union de deux communes, la présence des cinq villages de Brugelette s’imposait. Pendant des années, ces images ont été reprises lors de multiples occasions.
La chorale à l’œuvre pour le jumelage
Les répétitions
Nous sommes chez Monsieur et Madame DAUTECOUR. Anne QUIVEY dirige la chorale et sa sœur Françoise est au piano.
La chorale se composait principalement des VANBERGHEM, des filles VAN LIERDE, des enfants LIEGEOIS, des époux RAULIER, du couple DEFFERNEZ, des filles QUIEVY, des filles BASTIEN, de Fernand COPENEAU, de Philippe DUTILLEUL, de Michel NIEZEN… .
On retrouve presque exclusivement des familles brugelettoises. C’était la réalité de l’époque. Nous étions en 1978-1979, la fusion des communes de 1976 venait à peine de se réaliser.
Avec toutes ces familles, c’est dire que le village suivait avec attention la progression de la chorale et la réalisation de son disque.Et enfin toute la troupe se retrouve
L’enregistrement du disque
Et enfin toute la troupe se retrouve à Bruxelles au studio d’enregistrement du Disque. De mémoire nous sommes dans un atelier musical à Koekelberg. Le trac est à son comble. C’est le moment de prouver son savoir-faire.
Après quelques répétitions pour échauffer les voix, le moment fatidique arrive. La lampe rouge s’allume et l’enregistrement commence.
La magie de « la capitale »
Nous sommes en 1979.
Quand ils vont à « la capitale », les habitants du village mettent encore leur costume du dimanche pour être « bien habillé ». Enregistrer un disque à Bruxelles reste un geste tout à fait inhabituel. Internet, les smartphones, la mondialisation … n’existent pas encore. Pour tous les participants, se retrouver dans un studio d’enregistrement est une aventure extraordinaire.
Une contrariété peut alors rapidement se transformer en catastrophe.
Les imprévus
La ligne des basses
Lors de l’enregistrement, la technique souligne une anomalie.
La ligne mélodique au piano était-elle la bonne ? A ce moment, nous découvrons que la pianiste s’est trompée, elle est systématiquement dans la ligne des basses. Le problème se pose pour la chanson « Les Quartiers de Lune de Brugelette » entamée trop bas par la chorale.
Que faire ? Le stress du groupe est à son comble. Non, le disque n’est pas perdu !
Nous faisons quelques répétitions pour réajuster les voix à la nouvelle ligne mélodique. Il faut passer rapidement à l’enregistrement car la tension nerveuse est trop forte et les organismes fatiguent vite. La qualité de l’enregistrement risque de s’en ressentir.
Ouf, la séance d’enregistrement se termine et la lumière rouge s’éteint.
La face B et la chanson du jumelage
L’éditeur n’avait pas imaginé que nous venions avec une face B. Il avait une de ses propres chansons à promotionner. Vu que les quartiers était déjà enregistrés, la maison d’édition accepta le fait sans nous demander un supplément.
Les droits d’auteurs
Personne n’y avait pensé, mais la musique du « Clair de Lune à Maubeuge » était toujours protégée par un droit d’auteur. Par conséquent, sans l’accord de son ayant droit, il était impossible d’imprimer les disques. Voilà pourquoi, l’éditeur s’est mis en peine pour aller sonner au domicile du propriétaire. Mais heureusement, ce dernier n’a pas fait de difficultés pour nous accorder la diffusion gratuite.
La facture peut enfin être acquittée !
Le 29 juin 1979, le vendeur acquitte la facture et nous emportons les disques.
Avec le recul du temps, nous pouvons effectivement dire que nous avons agis comme des amateurs. Mais sans un peu d’inconscience et d’audace aurions-nous réussi à sortir un disque ?
La journée du jumelage
La carte de soutien.
La carte de soutien au jumelage nous rappelle que les cérémonies officielles ont eu lieu le 18 août 1979 à 10h. Et comme de tradition depuis des décennies, la Sucrerie de Brugelette apportait sa contribution à toutes les grandes manifestations du village.
Ces cartes sont aussi un trait d’époque. Actuellement avec la gratuité omniprésente des activités grand public, elles sont devenues obsolètes.
Le jumelage et la chorale Les Gais Rossignols
La chorale se réunit à la gare avant de monter à la commune. Nous allons occuper l’escalier d’honneur de l’hôtel communal.
Et c’est devant une Grand’ Place noire de monde avec l’appui de la fanfare communale l’Avenir, en présence des autorités communales, des militaires, des anciens combattants, des héros de la trottinette Brugelette-Paris, du Bourgmestre de Brugelette Pierre DEROUX, du maire d’AVON-Les-Roches Maurice SEBASTIEN et sous l’œil bienveillant des géants des Montils et de Mévergnies, que nous entamons la chanson des Jeunes Hommes de Brugelette et des Quartiers de Lune à Brugelette.
La prestation de la chorale et la vente du disque furent un succès. Tout a été vendu ce jour-là. Tout le monde était heureux de cette belle réussite.
Nous disons un grand merci à ceux et celles qui eurent la bonne idée, il y 40 ans, d’organiser le jumelage de Brugelette avec Avon-Les-Roches.
NB: Toutes les photos sont protégées par le droit d’auteur.
Lire l’article : Pour faire écho à nos géants …
(s) Michel NIEZEN
Conseiller communal à Brugelette
ANNEXE I :
L’origine surprenante de la chanson de Gérard CHEVALIER reprise à l’occasion du jumelage
Avant-guerre, il était courant de composer des chansons au départ d’événements locaux. Le boulanger Georges CHEVALIER père de l’épouse du meunier Michel DEFFERNEZ aimait à composer des chansons.
Un jour, il entendit deux jeunes filles de Brugelette se plaindre de l’indifférence des garçons du village et de soupirer « Ils préfèrent les étrangères alors que nous sommes toutes aussi jolies à Brugelette».
Il n’en fallait pas plus pour qu’il composa une chanson sur l’air de « Lison Lisette ». (texte en annexe).
Une chanson bien de son époque
D’un côté les garçons sont mobiles et vont de village en village et de l’autre les filles attachées à leur terroir les attendent. Mais, elles se plaignent qu’ils les ignorent au profit des filles des villages voisins.
Le boulanger fait la morale aux deux. D’une part, il reproche aux jeunes gens de délaisser les filles du village tout en les excusant de leur timidité. D’autre part, il sermonne aussi les filles de ne pas être suffisamment avenantes pour permettre aux garçons d’oser vaincre leur timidité et s’approcher d’elles.
Le tout dans un langage fleuri qui ménage les susceptibilités des unes et des autres avec un brin de nostalgie sur sa propre jeunesse. Ne s’est-il pas lui-même d’abord perdu à Chièvres avant de revenir à Brugelette !
Il résume cet esprit wallon capable de dire les choses avec humour, diplomatie et finesse tout en allant droit au but. Nous savons maintenant qu’à l’époque les garçons de Brugelette c’est sont un « moncheau d’grands couïons » et que les filles de Brugelette sont toutes aussi « amoureuses » que celles de Cambron.
Le texte
Paroles de Georges CHEVALIER sur l’air de Lison Lisette
La partition
Annexe II :
Le texte du disque composé à l’occasion du jumelage
Paroles de Françoise QUIEVY et de Michel DEFFERNEZ sur une musique de Pierre Perin et de Claude Blondy
Si vous voulez connaitre les paroles et écouter la chanson cliquer ici sur le lien Quartiers de Lune.